La IVe république sur de mauvaises bases ?

Le train de la IVe république est désormais lancé avec la prestation de serment des membres du tout nouveau gouvernement.  Cette cérémonie qui dans son projet constituerait une simple formalité a laissé entrevoir des failles qui inquiètent les observateurs de la scène politique et remettent en cause le maigre espoir que les tchadiens dans leur globalité portent en cette nouvelle république.  La IVe république est-elle fondée sur de mauvaises bases ?

Un serment confessionnel pourquoi faire ?
Le Tchad est un pays laïc, en témoigne la vague de réactions pro-Deby en réponse  à la déclaration de la conférence épiscopale qui demandait que le nouveau projet de constitution soit soumis au referendum. C’est dire combien le caractère laïc de l’Etat est compris par le peuple tchadien. Un Etat,  qu’il soit laïc ou islamique, sa force réside dans l’application des textes, les lois en vigueur. Si le régime du président Deby ne peut pas réprimer les vagues de détournements qui sévissent au Tchad depuis plusieurs années, ce n’est un pas un serment prêter sous forme de poème déclamé devant la nation qui changera les comportements véreux des fonctionnaires et autres cadres de l’administration. Pour cette cérémonie de prestation de serment, les leaders religieux ont brillé de leur absence alors que dans la pratique, un serment confessionnel ne peut se prêter sans leur présence. C’est dire combien cette nouvelle constitution ne reflète pas les aspirations des tchadiens dans leur ensemble.

La commission de rédaction de la constitution a t-elle failli ?
Selon la nouvelle constitution, tous les membres du gouvernement doivent prêter serment  devant le président de la république selon une formule confessionnelle. Chaque ministre doit selon ses croyances jurer de  ne pas détourner les biens publics et de se consacrer aux missions qui lui sont confiées.
Une disposition absurde dans un pays où cohabitent plusieurs confessions religieuses parmi lesquelles l’animisme et les athées.  Et s’il y’ avait nécessité  d’introduire de telles dispositions dans la loi fondamentale, pourquoi  ne pas associer les religieux pour ne serait-ce que  vérifier la conformité des nouvelles lois avec les textes sacrés ? Le refus de Mme Djibergui Amane Rosine qui indique clairement au président de la Cour Suprême que la formule de prestation de serment est contraire à ces croyances religieuses met en exergue tout l’amateurisme et la limite des hommes et femmes qui ont écrit cette nouvelle constitution.  Soit le pays est laïc et les choses se font en dehors de la religion, soit il est lié à une confession religieuse et les choses se font en respectant les principes de cette confession religieuse. De toute façon, la constitution est la volonté exprimée de l’ensemble du peuple. Elle doit de ce fait, refléter les aspirations du peuple.  La grosse bêtise de cette nouvelle république c’est d’écarter les religieux au départ et ne chercher qu’à les récupérer à l’arrivée  pour légitimer de nombreuses dérives qui se profilent à l’horizon.

La religion pour lutter contre les détournements de fonds ?
La dimension religieuse introduite dans cette formule de prestation de serment vise à lutter contre les comportements déviants des dirigeants tchadiens habitués à s’enrichir illicitement.  Mais que peut attendre le citoyen lambda qui espère une bonne gestion de la chose publique tout en rêvant d’une vie meilleure ?  Instaurer un serment confessionnel pour limiter le vol des  hommes et femmes qu’on retrouve chaque vendredi et dimanche dans les premières rangées à la mosquée ou à l’église n’est que pure fantaisie.  Le pays dispose de tous les moyens (police, justice…) pour traquer légalement tout comportement vicieux. Donc il n’a pas besoin de  la religion  qui doit être mise à l’écart avec sa morale. Une morale qui d’ailleurs a perdu toute sa quintessence, tant les hommes ne l’observent plus.
Somme toute, la IVe république qui débarque par force malgré la réticence des tchadiens, ne présage pas de bons espoirs.  Sa façon d’arrivée et ses premiers pas avec les incidents constatés lors de la prestation du serment démontrent que ses fondements ne sont pas assez enfouis dans les vouloirs du peuple. Par conséquent, cette nouvelle république risque de vaciller longuement.  Le pessimiste des tchadiens peut-être compris car les craintes que cette nouvelle république provoque sont grandes.